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Rencontre avec Manon Prud'homme pour la sortie de "Bienvenue en Corée"

Manon Prud'homme nous accorde une entrevue à l'occasion de la sortie de son premier livre "Bienvenue en Corée. Mon Voyage au Pays de la K-pop" qui paraîtra le 14 octobre 2021 aux éditions Assimil. Le récit, qui reprend les codes du récit de voyage, nous fait voyager avec Mina à travers la Corée du Sud. De Séoul à l'île de Jeju en passant par Jeonju, Gyeongju et Busan, ce livre se veut une introduction à la culture coréenne pour un jeune public, mais également aux personnes curieuses de découvrir la Corée du Sud.

 

Revue Tangun : Ton livre a pour thème principal la Corée du Sud. As-tu voulu faire passer un message ou simplement raconter une histoire comme une autre à des adolescents ?


Manon : Lorsqu'on m'a contacté pour faire ce projet, à la fin de l'année 2018, j'ai tout de suite été très emballée à l'idée de pouvoir parler de la Corée à un jeune public. Quand j'ai commencé à m'intéresser à la culture coréenne, il y a presque 15 ans, je me souviens n'avoir presque rien trouvé sur Internet. Pour apprendre le coréen, le choix était très maigre en termes de méthodes dans les librairies. J'ai d'ailleurs encore la méthode Assimil écrite par André Fabre qui était l'une des premières méthodes de coréen en français ! C'était très difficile d'en apprendre davantage sur la Corée à l'époque, tant sur la langue que sur la culture et je pense que c'est ce qui m'a motivé à écrire. Je crois que j'aurais aimé avoir ce livre quand j'étais adolescente. Au-delà de ça, même si le livre paraît dans la collection Kids & Teens d'Assimil, j'ai essayé d'écrire un livre qui n'était ni trop infantilisant, ni trop complexifié. J'avais envie qu'à la fois les plus jeunes et des adultes puissent en apprécier la lecture. La Corée mérite d'être connue, pas seulement pour la K-pop et c'est le message que j'ai voulu faire passer dans ce livre : permettre à un jeune public qui découvre souvent la Corée du Sud à travers sa culture populaire, de voir à quel point le pays est immensément riche sur le plan culturel. C'est aussi pour cette raison qu'il s'appelle "Mon Voyage au Pays de la K-pop". L'idée était d'inviter à aller au-delà de la K-pop et de découvrir d'autres éléments de la culture coréenne. Sur 80 pages, seulement 4 sont dédiées à la K-pop !


Revue Tangun : Quand écris-tu ? As-tu un « rituel d’écriture », des tocs, des horaires ? Que représente l’écriture pour toi ?


Manon : Je pense que j'ai toujours aimé écrire. Que ce soit pour mes recherches ou non, j'écris assez souvent ce qui me passe par la tête. Pour "Bienvenue en Corée", j'ai écrit assez rapidement. Le sommaire avait été validé au préalable par l'équipe donc j'avais un scénario assez précis dans ma tête. On m'a mise en confiance dès le début et j'ai eu une réelle liberté d'écriture du début à la fin. Lorsque j'ai commencé à écrire, à la fin de l'été 2020, j'avais terminé la rédaction de mon mémoire quelques semaines auparavant, je préparais mon entrée en thèse, mais ça ne m'a pas empêché d'être très motivée pour écrire. Je voyais ça comme un loisir. Je suis assez à l'aise avec l'écriture de manière générale, mais c'était un petit défi d'adapter mon écriture à un jeune public. L'écriture doit être courte, percutante, dynamique, tout en restant informative. Sur ce point-là, j'ai été bien encadrée et conseillée. Au début, j'ai voulu compter mes heures car j'étais curieuse de voir à quel rythme je pouvais travailler, mais très rapidement j'ai abandonné. J'ai suivi mon instinct, j'écrivais généralement dans la journée. Certaines fois j'écrivais beaucoup, parfois moins. Je fonctionne beaucoup comme ça dans le cadre de mes études aussi. Je préfère faire de l'écriture instinctive, plutôt que de me fixer une grande quantité de travail à faire par jour. J'avais une deadline, c'est la seule chose que j'ai cherché à respecter à tout prix. Finalement, le plus difficile a été de traduire les titres. Sur ce point-là j'ai été aidée par Patrick [Maurus] et des ami.e.s coréen.ne.s puique des titres qui sonnent bien en français n'ont aucun sens quand ils sont traduits en coréen. Le réel challenge réside donc là... dans les titres !


Revue Tangun : Ton livre est un récit à la première personne, reprenant les codes du récit de voyage, qu’est-ce que cela signifie pour toi le voyage ?


Manon : J'ai eu la chance d'avoir pu voyager en Europe en étant plus jeune. Mon premier voyage extra-européen était celui en Corée du Sud à l'été 2015 avec un groupe d'ami.e.s. Tous les voyages que j'ai pu faire, en Corée ou ailleurs, ont toujours été des expériences humaines inoubliables. Que ce soit des voyages scolaires ou des voyages organisés dans le cadre d'échanges européens, j'ai toujours associé le voyage à des expériences humaines. Ils m'ont aussi permis parfois d'être confrontée à des réalités que je n'avais pas imaginé. Beaucoup de mes voyages m'ont fait grandir et m'ont aidé à déconstruire pas mal de choses. En temps de pandémie, je pense que le voyage est redevenu un rêve pour beaucoup d'entre nous, quelque chose d'inatteignable, hors de portée, mais qu'on désire tous ! "Bienvenue en Corée", c'est un peu l'histoire un rêve aussi... celui de Mina, mon personnage principal. On a tous.tes besoin d'un peu de rêve en ce moment, non ?


Revue Tangun : La sortie de "Bienvenue en Corée" est proche, as-tu peur de la réaction des lecteur.rice.s ?


Manon : Qui n'aurait pas peur de la réaction des lecteur.rice.s ? C'est mon premier livre qui plus est ! J'ai peur qu'il ne plaise pas, d'avoir fait d'énormes fautes, d'avoir oublié des éléments essentiels. Je pense que ce sont des peurs que beaucoup d'auteur.e.s ont avant la sortie d'un livre. Je relativise en me disant que c'est mon premier livre, je dois encore apprendre. Le format est, je l'espère, moins sujet aux critiques : c'est un livre pour enfants et pas un écrit académique. Même si les deux méritent d'être pris très au sérieux, l'enjeu n'est pas tout à fait le même pour moi. J'ai surtout peur de la réaction de mes jeunes lecteur.rice.s ! J'ai un neveu et trois nièces et j'espère qu'en lisant ce livre, ils comprendront enfin où leur tante part chaque été.


Revue Tangun : Qu’éprouves-tu juste avant la sortie du livre ? Tu es craintive, réjouie ?


Manon : Tout ça à la fois ! J'ai d'abord hâte de voir le livre imprimé. C'est une étape importante. On peut parfois trouver un livre très beau dans sa version numérique et moins sympa en version imprimée. J'espère donc que la version papier sera aussi belle que la version numérique sur laquelle nous avons travaillé. Je suis confiante malgré tout. Ongda, l'artiste coréenne qui a illustré le livre, a fait un travail incroyable. Je suis fière de co-signer cet ouvrage elle. C'est un livre féminin, écrit en France, illustré à Séoul et c'est aussi ce qui fait sa force selon moi.


Revue Tangun : Toi qui es sur ces thématiques coréennes depuis longtemps, parle-nous de l'attrait des jeunes pour la Corée. Le soft power sud-coréen fonctionne-t-il ? Ton livre semble répondre à cette tendance.


Manon : Le soft power fonctionne même très bien et on le voit depuis quelques années. Il y a encore 10 ans, peu de gens en France n'étaient capable de situer la Corée du Sud sur une carte ou de citer sa capitale. Aujourd'hui entendre BTS à la radio ou dans des publicités, voir des documentaires Netflix sur Black Pink c'est devenu tout à fait commun. Quand j'étais adolescente il n'y avait pas de CD de K-pop à la Fnac. Les groupes ne faisaient pas non plus de concerts en France et manger coréen était mission impossible même dans les grandes villes. La culture populaire coréenne est présente partout aujourd'hui et c'est indéniable. La demande est grande et le livre répond à cette demande. Ce n'est d'ailleurs pas anodin si Assimil décide de sortir "Bienvenue en Corée" en même temps que "Bienvenue au Japon". Pendant longtemps, la culture populaire japonaise était l'une des seules culture asiatique à laquelle on avait facilement accès. Aujourd'hui on peut dire que les choses ont changé. On le voit aussi au sein des études coréennes puisque chaque année le nombre de demandes pour intégrer les cursus de licence de coréen explose. Le soft power joue un rôle décisif dans la promotion de la culture coréenne.


Revue Tangun : Parle-nous du choix de l'illustratrice. Prendre une artiste coréenne était une condition ? Que répondre à ceux.celles qui te disent que tu as choisi l'origine avant le talent comme critère ?


Manon : J'ai eu la chance de disposer ici encore, d'une grande liberté. J'avais plusieurs critères quant à l'illustratrice. Je voulais d'abord mettre une femme à l'honneur. Ensuite, je voulais que cette illustratrice connaisse la Corée. Je voulais qu'elle connaisse les lieux que j'évoquais dans le récit, qu'elle soit familière avec le terrain. J'aurais trouvé plus difficile de travailler avec quelqu'un qui n'a jamais été en Corée du Sud ou qui ne connaît absolument rien sur le pays. Peut-être est-ce là une déformation professionnelle... J'ai proposé trois illustratrices, deux françaises et Ongda, qui s'avère être sud-coréenne. La question de l'origine s'est imposée plus tard. Dans le cadre de mes recherches, je mets souvent en avant l'importance de travailler conjointement avec des Coréen.ne.s sur le terrain. C'est dans cet esprit que j'ai voulu travailler pour ce livre. Je voulais que ce soit le résultat d'une collaboration et je pense que le résultat est là. Je suivais Ongda sur Instagram, je l'ai contacté et elle a tout de suite acceptée. Le projet met bien en avant son style très singulier. Sa palette de couleurs pastels est reconnaissable parmi mille et une réelle douceur se dégage de ses dessins.


Revue Tangun : Est-ce un récit autobiographique ? Est-ce romancé ? Quelle part de réel et de fiction ?


Manon : Je pense qu'il y a au moins 70% de réel. Inévitablement j'ai lié ce récit de voyage à mes propres expériences en Corée du Sud. Lorsque le personnage principal, Mina, arrive à Séoul et découvre sa guesthouse, il s'agit de la véritable guesthouse où je suis allée quand je suis partie à Séoul en 2015, 2016 et 2017. Les quatre personnages que Mina rencontre sont réels, je n'ai même pas pris la peine de modifier leurs prénoms. Il s'agit d'ami.e.s que j'ai également rencontré pendant mes voyages. J'ai d'ailleurs donné à Ongda la localisation de la guesthouse pour qu'elle puisse l'illustrer. Le parcours de Mina en Corée ressemble à celui que j'ai fait pendant mon premier voyage en Corée avec mon groupe d'ami.e.s en 2015. D'ailleurs, si les lecteur.e.s prêtent attention, il y a quelques réels tickets que j'ai gardé en souvenir, que j'ai scanné et qui sont disséminés dans l'ouvrage. Je pense que les ami.e.s avec qui j'ai voyagé reconnaîtront beaucoup de passages, même s'ils ne sont pas présents dans le livre. C'était aussi un moyen pour moi de leur dédié ce projet parce qu'ils ont marqué mes expériences en Corée. Même s'il ne s'agit pas d'une autobiographie, j'ai été très inspirée par ce que j'ai vécu et ça m'a beaucoup aidé dans l'écriture. Il fallait malgré tout que j'adapte pour un jeune public, j'ai donc retiré les soirées trop arrosées du récit ! J'ai aussi voulu faire un petit clin d'œil à Radio Tangun à la fin du livre et je laisserai les lecteur.trice.s découvrir de quoi il s'agit...


Revue Tangun : Comment s'est passée ta collaboration avec Assimil ? Le COVID a t-il eu un impact ?


Manon : Je pense que j'ai encore du mal à réaliser. Les méthodes Assimil sont très connues chez les passionné.e.s des langues alors pouvoir publier mon premier ouvrage chez eux est un grand honneur. Au début, j'avais peur de ne pas pouvoir disposer d'une grande liberté de ton et de contenu, mais tout le monde m'a fait confiance. Je ne me serais pas sentie légitime s'il avait été question d'écrire un livre entier sur la K-pop, donc j'ai proposé un récit de voyage qui mêlait différents aspects de la culture coréenne. Il s'agit d'une toute nouvelle collection chez Assimil, il n'existait pas de modèle préexistant et je pense que ça a été un avantage. Quant au COVID, il a eu un gros impact sur la date de sortie. Initialement, le projet aurait dû voir le jour en mars 2020 à l'occasion du salon du livre, mais tout a été repoussé.


Revue Tangun : J'ai entendu dire qu'un projet de BD était en phase de réflexion ? Un webtoon ? On veut des infos !


Manon : C'est un projet qui me trotte dans la tête depuis 5 ans. Il est antérieur à "Bienvenue en Corée", mais c'est vrai que la concrétisation du livre a réveillé l'envie. Lorsque je suis partie en Corée du Nord pour la première fois en 2016, je suis revenue avec l'envie de faire un bande-dessinée avec mon amie Johanna, qui est depuis devenue illustratrice à la Revue Tangun. J'ai rencontré Johanna sur les bancs de l'université et j'ai toujours été fan de ses dessins. Nous avons travaillé ensemble à plusieurs reprises, elle a illustré quelques uns et de mes articles et on s'est toujours dit qu'une bande-dessinée de mon voyage en Corée du Nord pourrait être super. Nos emplois du temps ne nous ont pas encore permis d'y réfléchir très concrètement, mais c'est quelque chose que j'aimerais réellement concrétiser un jour avec elle. D'abord parce que c'est une artiste magnifique et ensuite parce que mes aventures en Corée du Nord mériteraient d'être illustrées. Ca nous changerait des nouilles froides à Pyongyang... Avis aux éditeurs !


 

Manon Prud'homme et Onga, Bienvenue en Corée. Mon voyage au pays de la K-pop, Editions Assimil, parution le 14 octobre 2021, 80 pages, 14.95€

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