Marche arrière toute ?
Après les syndicats et les jeunes, Kim Jong-Un envoie ses instructions aux femmes dans un message particulièrement long (Lettre adressée aux participantes du VIIe Congrès de l’Union socialiste des femmes de Corée le 20 juin de l’an 110 du Juche (2021)). Relevant d’une rhétorique qu’on aurait pu croire révolue après le 7ème Congrès - et il ne s’agit pas seulement ici de la lourdeur stylistique bien connue.
Dans un pays dont une des grandes réalisations après 1945 a justement été la promotion des femmes, il semble qu’on veuille désormais leur imposer un rôle évoquant les temps anciens. Tout comme les jeunes il y a peu, l’accent est d’abord mis sur l’apparence :
« Les femmes, en particulier les membres de l’Union, seront amenées à porter de leur plein gré chima et jogori, à assurer la noblesse et le raffinement de leur tenue vestimentaire et de leur toilette, comme l’exige l’esthétique de l’époque, à soigner leur ménage en sorte que tous les aspects de la vie débordent de notre élégance, de notre goût, du sentiment national. »
Même si la RPDC a largement favorisé après la Guerre le hanbok dit “de la Libération” et même si la tenue traditionnelle a longtemps été de mise, on ne peut que s’interroger sur le caractère particulièrement peu adapté à la vie moderne de ladite tenue.
Que cherche le gouvernement ? À limiter les comportements “originaux” notés aussi chez une partie des jeunes ? À contrôler les conséquences de réformes du 7ème Congrès ? Mais le spectacle des rues de la capitale donne une toute autre impression. Au contraire même, serait-on tenté de dire : l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-Un a coïncidé avec un accès généralisé à une mode vestimentaire et capillaire nouvelle, “chinoise” si l’on veut, vestes coquettes, bottines, talons, foulards, vêtements ajustés, couleurs, qui semblaient correspondre à l’esprit d’ouverture qui émanait des mesures prises alors par le gouvernement. L’épouse même de Kim Jong-Un passait pour un modèle à suivre. Il est bien difficile de ne pas établir une analogie entre les nouvelles directives et la fermeture généralisée confirmée par le 8ème Congrès.
La suite de la lettre va clairement au fond des choses :
« Nul ne peut remplacer leur rôle : aider leur mari à se dévouer au Parti et à la révolution, former leurs enfants en protagonistes dignes de confiance de la Corée socialiste, travailler à la concorde familiale. »
Mieux encore :
« C’est lorsque l’ensemble des femmes du pays, y compris les membres de l’Union, auront mérité les titre de tendre bru, d’épouse affectueuse, de mère méticuleuse, de voisine aimable que notre société sera pleine d’entrain et de vigueur et que notre État gagnera en puissance. »
Rien ne serait plus éloigné de nous que de lire la RPDC en fonction de structures sociales uniques et universelles et de lui reprocher de ne pas être “comme nous”, mais on peut toutefois remarquer que toutes les fonctions attribuées aux femmes sont des fonctions dépendantes. Elles ne sont pas définies de façon autonome, mais par rapport à (un mari, des beaux-parents, des enfants, des voisins).
Ce long et pesant plaidoyer est-il en mesure de convaincre les femmes, surtout les jeunes, de renoncer à ces nouveautés que les citadines avaient très largement adoptées ?
© Illustration de Julien Saint-Sevin Inspiration via Library Digital Collection, Freepik
Comments