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Edito janvier 2025: Etat d'urgence au Sud

Writer's picture: Patrick MaurusPatrick Maurus

©Pixabay


Les accès de fièvre politique en Corée du Sud sont un peu comme les tremblements de terre. On sait pourquoi, on devine un peu où, mais on ignore quand. Mais depuis que le président a décidé de proclamer l’état d’urgence, les explications a posteriori abondent, surtout chez les innombrables commentateurs parisiens. Or si le moment et sa brutalité ont sidéré tout le monde, au point de se demander si le président avait toute sa tête ou s’il était alcoolisé, la probabilité d’une explosion politique était très haute.

D’abord parce que la vie politique sud-coréenne est brutale, depuis les origines. Le sort de la grande majorité des présidents en atteste. Pas un, pas deux, mais dix présidents sur treize ont politiquement et/ou juridiquement mal fini. 

 

Brève récapitulation :

Syngman Rhee/Yi Seungman, mis en place par les Américains, chassé par la rue et en fuite

Yun Po Sun, démissionné

Park Chung-hee, en place après un coup d’état, assassiné

Choe Kyu-ha, démissionné

Chun Doo-hwan, en place après un coup d’état, condamné à mort puis gracié

Roh Tae-woo, premier élu, condamné à perpétuité puis gracié

Roh Mu-hyun, se suicide après la fin de son mandat

Lee Myung-bak, en prison après la fin de son mandat

Park Keun-hye, fille de Park Chung-hee, destituée et emprisonnée

Et le héros de la semaine, l’extrême droitier Yun Suk-yeol, suspendu de son mandat en attente de son empêchement.

Quant aux trois « survivants », le civil Kim Young-sam, étiqueté d’opposition démocratique sous la dictature puis rallié à la droite dure pour être élu, a fini totalement déconsidéré au moment de la « crise asiatique ». Les humoristes disaient à l’époque qu’il avait réussi deux choses, changer le nom de l’école primaire et rapprocher les économies du Nord et du Sud. Le deuxième, le prix Nobel Kim Dae-jung sélectionné pour avoir rapproché les deux Corées, sans que le leader du nord soit appelé à partager le prix. Et enfin Mun Jae-in, qui après avoir aussi tenté de renouer avec le Nord a été épinglé pour voir gracié un peu facilement le PDG du groupe Samsung et la lamentable Pak Keun-hye, participant ainsi à la déception générale devant la démocratie. 

Ouf ! Et encore cette liste n’inclut pas les membres des familles présidentielles, si souvent impliqués dans des trafics facilités par les fonctions du père de famille, ceux qui d’ailleurs ont poussé au suicide le président Roh Mu-hyon, démocrate impeccable.

 

Tout cela dans une péninsule encore techniquement en guerre. 

Yoon Suk-yeol (Yun Sôkyôl) donc. Élu grâce à sa bonne réputation comme procureur général, son image s’est quasi instantanément dégradée, au point de passer pour un imbécile même auprès de ses électeurs. C’était probablement assez juste, dans la mesure où il a rapidement accumulé les décisions problématiques : relance des exercices militaires joints avec les USA, puis avec le Japon, aggravant la tension dans la péninsule ; tentative pour faire passer la semaine de travail à 62 heures hebdomadaires ; remarques et décisions sexistes (suppression du ministère de l’égalité des genres, décisions concernant les universités féminines) ; responsabilité dans la longue crise médicale.

L’isolement progressif et rapide de Yun explique largement la fuite en avant que représente la proclamation de l’état d’urgence le 3 décembre et aussi son échec quasi immédiat, grâce à un vote de l’Assemblée nationale aux mains de l’opposition et malgré les tentatives de l’armée pour bloquer le vote. Une partie de la solution se trouve dans les mains de la Cour constitutionnelle, incomplète et notoirement sensible aux pressions extérieures.

L’obéissance de l’armée (et dans une moindre mesure de la police, connue pour ses brutalités anti-grévistes, voir la grève de Ssangyong en 2007 et son exceptionnelle répression, même selon des critères sud-coréens)

 

Une fois de plus, un gouvernement du Sud a donc opté pour une tension accrue avec le Nord, lequel, au moins depuis le 8ème congrès, semble avoir tiré un trait non seulement sur tout progrès vers la réunification, mais sur la possibilité même d’une réunification. Est-ce que c’est grave ? D’un certain point de vue non, dans la mesure où plus personne n’y croit au Sud, même pas les hommes politiques qui se croient toujours obligés de commencer leurs discours par une allusion au problème. C’est beaucoup plus grave au Nord, où le sujet demeure dans les conversations et où c’est la première fois que les dirigeants annoncent une rupture « définitive ». Ce n’est certainement pas maintenant que Pyongyang va renoncer à sa nouvelle alliance avec la Russie.

 

PS : On suggère la lecture régulière du site du journal Hangyoreh (il y a une version en anglais) pour obtenir quelques éclaircissements sur la question ukrainienne et les chiffres fantaisistes concernant la « présence nord-coréenne ». 

 

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