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edito decembre 2025: My own private Paektusan

  • Writer: Patrick Maurus
    Patrick Maurus
  • 3 days ago
  • 3 min read

Du 12 au 14 octobre, l’Université de Sofia, aujourd’hui un des lieux les plus actifs de la coréanologie européenne, a célébré “30 ans de Korean Studies”. Des dizaines de chercheurs venus d’un peu partout ont proposé des sujets et des questions, reflétant à la fois la richesse des réflexions et les limites de l’exercice.


Je suis divisé                                                                                                                                ©Camille Fourmeau
Je suis divisé ©Camille Fourmeau

Nous – les coréanologues – restons hémiplégiques. Avons-nous progressé depuis 1945, 1953, 1988 ? Combien de tables rondes ne pourront qu’aboutir à ce constat ? Grâce à celle organisée pendant le colloque, et qui a eu le grand avantage de souligner ces limites, nous sommes sans doute plusieurs à avoir pu nous retourner sur nous-mêmes et nos travaux, peut-être pour nous poser les questions suivantes :

Faut-il continuer à étudier, lire, chercher, travailler, traduire, filmer, écouter, interroger, si c’est pour sempiternellement retomber sur les questions de la division et de la réunification, quel que soit le sujet d’ailleurs. Car tout y revient sans cesse. Tout est division dans cette péninsule divisée. Le nom de la Corée n’est pas le même au Nord et au Sud, le kimchi est servi différemment, le taekwondo se pratique autrement... Et, avec le temps, même la langue commence à être atteinte. 


Mais que faire ? A part se lamenter et blâmer l’Autre ?


Car, à force de tout rejeter de l’Autre, de contrôler jusqu’au savoir sur lui, la situation intellectuelle des deux Corées est l’exact contraire de ce que brâment les officiels et que répètent les citoyens : que la Corée serait Une. On ne trouve guère sur ces questions qu’ignorance prétentieuse, lieux communs navrants, désintérêt arrogant. En d’autres termes, l’Autre n’est même plus ni Alter (le même que moi), ni Aliud (mon contraire en tout), il n’est rien, car on ne peut pas être un demi-Coréen. Ce qui devrait placer philosophiquement tout Coréen devant une impasse complète, car comment se réunifier avec un Autre qui n’est “rien” ?


Et le chercheur ?


S’il fait partie des rares à s’intéresser à l’ensemble de la culture coréenne, il ne s’en sortira pas en additionnant deux insuffisances. Deux moitiés de Corée analphabètes de l’Autre n’en feront jamais une seule, sauf élimination militaire de l’autre. Mais comment va-t-il s’informer, si ce n’est auprès de ces deux moitiés qui ne font jamais ”Une” ? Comment va-t-il évaluer les informations sans sombrer dans les biais, puisqu’un biais ajouté à un biais n’a jamais fait une vérité. Chaque demi-Corée n’est pas le complément de l’autre. Les deux cumulent leurs ignorances, leurs dédains, leurs manques de curiosité : fictions. Mais pour aboutir à quoi ? A la même chose que les fictions écrites ou filmées qui prétendent faire se rencontrer des Coréens qui ne peuvent pas se rencontrer. A faire du réalisme avec des bases irréelles. En d’autres termes, tuer les protagonistes à la fin de la narration.


Qu’est-ce que je veux dire ?


Bien sûr que les spécialistes du Sud et du Nord ont bien des choses à dire, intelligentes et savantes parfois, mais les plus compétents d’entre eux sont comme un épais dictionnaire devant une simple phrase de trois mots, un puits de science devant un formule vivante. 5000 hanja pèsent peu devant les simples il fait beau, j’ai bien faim, je vous aime


Alors que faire, alors que tout nous pousse à n’étudier que la moitié des Coréens (à commencer par les financements...) ? N’avons-nous pas le sentiment que quelque chose manque ? Surtout en ne cessant de parler de réunification sans pouvoir rien y faire ? Oscillant entre l’absurde, le gratuit et l’intellectuellement malhonnêteté ? Allons-nous devenir comme les jeunes du Sud, indifférents ? 

Alors, que faire lorsqu’il n’est pas non plus possible de rester extérieur et impartial, dans une attitude pseudo-objective ? Se dire, comme tout chercheur devrait se le dire, pour se donner un cadre et une méthode, avec une formule elle aussi en trois mots :


Je suis divisé.

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