Des très vieilles soupes dans de très vieilles marmites
Il faut croire qu’il n’y avait rien d’autre à dire des Jeux Olympiques de Beijing, puisque certains candidats aux élections présidentielles sud-coréennes se sont jetés sur la cérémonie d’ouverture. La nature du drame ? Une jeune femme (Coréenne ou figurante) portait une robe traditionnelle coréenne. Du côté chinois, on affirme qu’il s’agissait de présenter ensemble la cinquantaine de « minorités nationales ». Pour Lee Jae-myung et Yoon Suk-yeol, les candidats favoris à la présidentielle, c’est une atteinte à l’identité culturelle coréenne.
Imaginons une seconde le contraire : Et si le costume coréen avait, au contraire, été exclu du spectacle ? Aurait-on dénoncé cet oubli, cette négation de « nationalité » ?
Certes, le gouvernement chinois, directement ou via ses historiens, est coutumier des déclarations ‘globalisantes’, intégrant ‘la Corée’ dans le monde chinois, au prétexte que dans sa définition géographique le plus large (à l’époque des Trois Royaumes), cette ‘Corée’ se trouvait majoritairement dans l’actuel territoire de la République Populaire de Chine. Si on suivait cette logique, aucune frontière au monde ne tiendrait plus. Toute la région souffre, et depuis longtemps, d’un grave déficit historique, si l’on peut dire, les recherches dans le domaine ayant trop longtemps été soumises aux discours politiques et aux revendications impérialistes.
Le coupable est donc le « Parti communiste », celui-là même qui voulait faire du kimchi un plat national chinois. Quel fourberie ! Mais qui donc était alors coupable au Japon, lorsque celui-ci a voulu il y a une vingtaine d’années imposer son propre « kimuchi » comme norme internationale du kimchi ? Le Parti communiste japonais, probablement ! Le nationalisme gastronomique n’est pas plus intelligent que les autres.
Il est triste de constater que, une fois de plus, la présidentielle donne lieu à une course au nationalisme. Sans programme réellement distinctif, on souligne ce qu’on postule être le plus consensuel. Le nationalisme coréen postule que tout Coréen appartient à la « Corée Une ».
Mais, indépendamment des décisions politiques régionales, reste l’essentiel : « la troisième Corée ». Que celle-ci désigne le district autonome coréen de République Populaire de Chine ou bien toutes les diasporas (Los Angeles, Tokyo, Sao Paulo, Mexico), elle est constituée de « Coréens » qui ont les mêmes droits à la « coréité » que les autres, à commencer par celui de ne pas se voir imposer un porte-parole, en l’occurrence la Corée du Sud.
Pour la Chine, nous parlons de 2,5 millions de personnes environ. Des ‘citoyens’ chinois de ‘nationalité’ coréenne, que la situation économique sud-coréenne a fasciné après 1988, au point de beaucoup émigrer, pour très vite déchanter devant les sales boulots qui leur étaient réservés. Est-ce cela qui autorise la Corée du Sud à parler à leur place ?
© Illustration de Julien Saint-Sevin Inspiration via Freepik
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